MONSIEUR L'ABBE MARLAIRE, ANCIEN CURE DE MARLOIE :
J'aurais pu demander à l'un ou l'autre habitant de l'époque de vous décrire ce drame, ou mieux "son drame" car, voyez-vous, chacun l'a vécu là où il se trouvait, à cette heure fatidique, à cette seconde même où des wagons bourrés de T.N.T. ont explosé à la sortie de la gare. Mais j'ai préféré vous raconter ce que, de l'extérieur, j'en ai vu.
Voici! 21 mai 1944
Depuis quatre longues années déjà, le pays était occupé, martyrisé par les allemands. La guerre perdurait, l'horrible guerre qui allait coûter la vie à plus de 40 millions d'êtres.
L'Allemagne commençait à vaciller sous les coups de boutoir des Alliés. L'occupant devenait nerveux, agacé par les incessantes attaques aériennes, par les sabotages répétés de la Résistance, par la crainte, oh combien fondée, du débarquement allié en France.
Par mesure de prudence, il évacuait ses munitions vers l'arrière, et c'est ainsi que fut établi à Mochamps (Nassogne) un immense dépôt dissimulé dans la forêt.
Chaque jour, depuis des semaines, des camions allemands par dizaines, faisaient la navette entre la gare de Marche (où arrivaient les munitions par trains ·entiers) et Nassogne.
Un des trains chargé de 450.000 kilos de trinitrotoluène (explosif très puissant) arriva vers 2 heures du matin en ce 21 mai en gare de Marloie.
Comme le sabotage des locomotives, organisé par la Résistance, portait pleinement ses fruits, bien des convois se trouvaient immobilisés dans les gares où l'encombrement était total. Et c'est ainsi que plus de II rames étaient bloquées à Marloie, à côté du train maudit.
Ce 21 mai 1944, le ciel était des plus purs. Un soleil d'été presque inondait tout de chaleur, de lumière. Facilement, on en eut oublié la guerre sans la ronde infernale de quelques avions de chasse alliés volant, virevoltant tels des frelons agacés et cherchant une victime.
Je me trouvais en l'église d'Hargimont; à vol d'oiseau, cela ne fait pas un kilomètre du lieu de l'explosion. La messe venait de se terminer. Il pouvait être 11h07 (heure belge) soit 12h07 (heure allemande, comme on disait à l'époque) lorsque, subitement, je perçus le bruit du passage d'avions à basse altitude, une courte rafale de mitrailleuse, suivie d'une terrible explosion qui secoua l'édifice, pulvérisa les beaux vitraux, arrachant en maints endroits le plafonnage, provoquant un épais nuage de poussière. Ce fut le sauve-qui-peut sur les quelques fidèles restés pour l'action de grâce après la messe, la ruée vers les caves des écoles communales toutes proches.
. Mais il apparut tout de suite que seule Marloie était touchée. Une immense colonne de fumée noire s'élevait à des dizaines de mètres. De nombreux objets légers, notamment des bouchons en liège, carbonisés, s'abattaient tout alentour. Ces bouchons provenaient, nous le constaterons de visu, d'un envoi destiné à une brasserie et logés en de nombreux wagons éventrés. Mais au fur et à mesure que se dissipait la fumée, on pouvait distinguer l'étendue des dégâts. Le Carmel et l'église semblaient rasés.
Depuis des mois, j'avais suivi les cours de secouriste donnés par le Docteur Brébois de On. On nous avait fourni pansements etc ... en prévision d'une attaque aérienne sur la gare de Jemelle.
Aujourd'hui, contre toute attente, c'était Marloie. A n'en pas douter, il devait y avoir des blessés, il n' y avait pas une minute à perdre.
Juste le temps de rentrer à la maison pour y prendre la trousse de secours, enfourcher mon vélo et grimper à une allure record la côte de Marloie. Mais, hélas, arrivé à hauteur, aujourd'hui, des maisons de la Famennoise, la route était encombrée de débris de toutes sortes, de branches d'arbres. Impossible de rouler, il fallait porter son vélo.
Exténué par cette sorte de course d'obstacles, j'arrivai rue des Sinistrés, rue de la Fontaine (puisqu'il ne faut plus rappeler la catastrophe). Spectacle de désolation: maisons éventrées, silence de mort troublé de temps à autre par un appel au secours. Un officier allemand évacuait des blessés dans une petite voiture Opel Kadett. J'ai poursuivi jusqu'à l'embranchement avec la rue Mionvaux. Là, où se situe aujourd'hui la ferme de Mr Delhaye, deux enfants d'une dizaine d'années agonisaient sur le trottoir de leur maison complètement détruite.
De partout des gens ensanglantés, affolés, appelaient au secours. Des voix me pressaient: "Vite, Mr le Curé, papa va mourir, vite ici, vite là!" J'étais au désespoir. Ma soutane d'étudiant en première théologie laissait croire à tant de malheureux que j'étais prêtre, que je pouvais assister tant d'agonisants, tant de mourants. Comment expliquer en ces moments si tragiques, que je n'étais qu'un simple séminariste sans aucun pouvoir, impuissant à aider les autres à franchir ce pas qui, de la terre mène au ciel. Je vous l'avoue très humblement: j'ai alors pleinement compris qui était le prêtre.
Je ne pouvais en rester là. Des gens fous de douleur m'invectivaient maintenant et je les comprenais très bien: "mais faites votre devoir" me hurlait-on de partout. Mon devoir, je l'avais fait, mais ces malheureux attendaient autre chose: de soigner l'âme avant le corps. l'avais beau leur répéter : "je ne suis pas prêtre, je ne suis qu’étudiant", ma soutane les maintenait dans l'erreur. Je ne pouvais plus rester là sans risquer l'incident.
l'ai dû pratiquement m'enfuir pour aller à la recherche d'un prêtre, en l'occurrence mon vieux curé, l'Abbé Duhard (on disait l'Abbé Davin, curé de Marloie, tué). Je l'ai retrouvé, ce pauvre vieux curé d'Hargimont, tout tremblant, encore abrité sous l'énorme chaire à prêcher. Il a tout de suite accepté de me suivre, mais il nous a fallu près d'une demi-heure pour arriver sur les lieux (son grand âge et l'encombrement de la route ne lui permettant pas de faire mieux). Entretemps, les premiers secours étaient arrivés: Franciscains de Marche, membres de la Croix-Rouge, ce qui me permit de m'occuper des blessés.
Mon premier blessé, un vieillard littéralement scalpé, n'était pas beau à voir. Le cuir chevelu lui retombait presque sur l'épaule. l'ai pansé sa plaie, je l'ai réconforté comme j'ai pu. De maison en maison, je suis arrivé à l'église. Partout ce n'étaient que ruines, sang et larmes. De l'église, il ne restait que les murs. La voûte en bois, la toiture en s'incurvant, s'étaient effondrées sur tout le mobilier et avaient tout écrasé. Heureusement là, aucune victime. De l'église, je suis passé au presbytère où j'ai trouvé l'Abbé Davin, curé de l'époque, blessé à la main.
Tout l'après-midi se passa à dégager les blessés et les morts. L'école communale, chaussée de Rochefort, était transformée en chapelle ardente. Comment oublier ces dizaines de corps alignés côte à côte à même le sol? Vers 16 heures, les rues de Marloie regorgeaient de monde : des curieux, des badauds, mais aussi hélas, des pillards.
Les allemands occupaient la gare et gardaient farouchement les abords. Ils y avaient amené un contingent de prisonniers russes pour entamer le déblaiement. Des bobards circulaient: "Il y aurait plus d'une centaine de tués parmi les allemands. L'attitude des sentinelles allemandes semblait corroborer cette affirmation. Je voulus en avoir le cœur net. Mais comment? Tout le long de l'actuelle rue du Carmel, une dernière rame de wagons intacts masquait l'étendue des dégâts sur les lieux mêmes de l'explosion et il ne faisait pas bon s'arrêter dans ces parages.
Profitant de l'éloignement de la sentinelle qui, maintenant, me tournait le dos, je traversais la voie, me glissant sous les butoirs d'un wagon, mais pour me retrouver nez à nez avec ... un officier allemand. Il ne parut pas surpris outre mesure et j'eus le réflexe de lui demander à brûle-pourpoint, en mauvais allemand: "N'y a-t-il pas de morts ici?". Il me répondit en un français impeccable: ··Si. Monsieur]' Abbé, il ya les deux sentinelles du train détruit. Venez'" Effectivement. il me montra débris d'un wagon incendié, les restes calcinés d'un soldat et, cinquante mètres plus loin, le cadavre horriblement mutilé d'un autre.
L'homme était assez loquace. Il me parla de chose et autre et notamment des secours qu'avec ses hommes il avait apportés aux gens. Il ajouta: "J'ai remis au curé de la paroisse les ciboires que je suis allé prendre dans le tabernacle de l'église détruite (ce que me confirmera l'Abbé Davin). Il ajouta: "d'ailleurs, je vous connais bien". De fil en aiguille, je parvins à connaître cet individu apparemment suspect. C'était un traître, un belge passé à l'ennemi, chargé d'épier les activités de la Résistance et dirigeant le bureau de recrutement des "SS Wallonie", rue Porte-Haute à Marche. J'en savais assez! Je pris subitement congé de cet homme dangereux. Après la guerre, il sera condamné à mort: père de cinq enfants, il invoquera pour sa défense l'aide apportée aux gens de Marloie et me fera appeler devant l'Auditorat militaire pour témoigner en sa faveur.
Désirant voir ce qui se passait exactement dans les bâtiments de la gare restés intacts, je lui demandai l'autorisation d'emprunter le quai, prétextant l'encombrement de ma soutane pour repasser sous les butoirs, comme je l'avais fait à l'entrée. Il me le déconseilla vivement, m'affirmant que je risquais des ennuis avec la Feldgendarmerie. Je ne pris pas sa recommandation au sérieux, mais je n'avais pas fait cent mètres sur le quai n° 2 que le fameux feldgendarme Lang, de Marche, arrivait avec un groupe de soldats. Il m'adressa une bordée d'injures, tout en me menaçant. Heureusement, j'étais sur le quai nO 2. Je répondis en hurlant que j'étais venu pour les soldats tués, il me laissa aller.
Le soleil maintenant baissait à l'horizon; la nuit, tel un grand linceul, allait recouvrir Marloie. Au fil des heures, la liste des morts s'allongeait et dépassait la cinquantaine. Des blessés, par centaines, allaient à jamais porter dans leur cœur et dans leur chair, les marques de cette horrible journée:
21 MAI 1944 : UNE DATE A NE JAMAIS OUBLIER!
Témoignage de Rosa Dumont-Godin
21 Mai 1944 - Jamais dans l’oubli !
J’avais 6 ans. Je me souviens de certaines choses, c’est donc avec ma mémoire d’enfant et très modestement que ces quelques lignes sont relatées.
Un dimanche de guerre,…il est midi. Brusquement un train de munition explose, il est mitraillé à proximité de la gare. Comme nous n’habitions pas très loin du lieu de l’explosion, je vois encore cette fumée épaisse noircir le ciel.
En une fraction de seconde, une partie du village est dévastée, un carnage sans précédent.
Le village entier errait dans les rues et vivait un cauchemar, une abomination. Il n’y a pas de mot pour décrire cette monstruosité.
Partout des cris d’horreur et de souffrance. Des tués, des blessés, victimes innocentes, dure réalité.
Certes, cette catastrophe comme tant d’autres a laissé des traces indélébiles.
Des cœurs déchirés, des blessures ayant bien du mal à se cicatriser. Des souvenirs douloureux pour bien des habitants de notre village.
Pour en avoir entendu parler, je me souviens de deux jeunes mamans qui succombaient peu de temps après, chacune laissait un bébé en très bas âge. (13 mois et 17 mois)
J’avais aussi été frappée de voir les blessés transportés sur des chars d’assaut en direction de la clinique de Marche. Dans l’urgence, l’école des garçons aménagée avec les moyens du bord faisait office d’hôpital. Peut-être aussi à d’autres endroits mais je n’en ai pas le souvenir.
Maudites soit toutes les guerres et leur cortèges de misères.
Hélas, à cette date, la guerre était loin d’être terminée. Au passage, je voudrais souligner, le courage et l’abnégation de Mr Rodolphe Houyoux, bourgmestre en fonction, pour avoir fourni de fausses vraies cartes d’identité aux jeunes qui s’engageaient dans le maquis. Ceux-ci avaient la vie sauve lors des nombreux contrôles effectués par la gestapo. Malheureusement, tous n’ont pu rejoindre leur famille et on devine le triste sort qui leur a été réservé, de quoi être ulcéré.
Mr Rodolphe Houyoux a joué un rôle très important pour sauvegarder la jeunesse et ce au péril de sa vie et celle de sa famille.
Que dire de la famille Louviaux qui avait recueilli une petite juive, eux aussi à leurs risques et périls.
Mr René Louviaux, boulanger dont la renommée n’était plus à faire ne s’attardait pas avec les timbres de ravitaillement mais donnait du pain sans compter. Leur générosité était connue de tous.
En conclusion, cette petite anecdote :
« Cette date historique du 21 mai 1944 vis la composition d’une déclamation dont je n’ai retenu que la première strophe
21 mai, c’est dimanche,
L’horloge marque midi
De l’oiseau sur la branche,
J’écoute le gazouilli.
Déclamation récité à chaque remise de bulletin en présence de Mr l’abbé Davin qui était très attentif et volontiers prêtait l’oreille »
Se souvenir, c’est ne pas oublier ceux qui ont donné leur vie pour notre liberté.
En parler, c’est les faire exister.
Témoignage de Marie-Pierre Chenoix
Bonjour,
Papa avait 10 ans en 1944. Il habitait tout comme Joseph Dachelet, rte de Liège (à côté de Memo Bureau). La maison a été détruite pour agrandir la route en 1964-1966.
Joseph Dachelet habitait une maison actuellement démolie au niveau de auto 5 (Carrefour)
Il affirme que c’était bien un avion à double queues.
De la rte de Liège, il a vu le « champignon » de l’explosion de Marloie.
Dimanche après-midi, les sinistrés de Marloie sont arrivés directement à l’école communale des filles (Rempart des Jésuites) ainsi que dans les autres écoles pour se faire soigner.
Le lendemain, les allemands ont réquisitionnés les hommes de Marche ayant des outils (pelles, pioches,..) et des environs pour aller déblayés Marloie.
Le lundi, les avions sont revenus et on a bien vu que c’était des avions à doubles queues.
Bonne soirée
PS : en pièce jointe, une photo d’un cheval né le jour de la catastrophe de Marloie chez Brugge
Témoignage de Joseph DACHELET, à Mexico
J’ai vu, de mes yeux vu, deux avions double queue à travers la fenêtre de la cuisine ou nous habitions route de Liège. Garanti. Ce dont je ne me souviens pas c'est si je les ai vus avant ou après l'explosion. C'était la première fois que je voyais ce type d'appareil d'aussi près et il m'avait beaucoup frappé. Je séchais la vaisselle dans la cuisine avec maman après avoir dîné. Les avions venaient du pont de Verdenne en direction de notre maison en vol rasé ou presque.. Il est possible que je les aie vu avant l'attaque car les pilotes ont commenté qu'eux-mêmes avaient été fort secoués par l'explosion `à laquelle ils ne s'attendaient pas. Dans mes souvenirs imprécis les pilotes se sont excusés ce soir-là à une radio anglaise. Cette nuit-là notre maison chaussée de Liège s'est transformée en clinique de campagne.
José Dachelet
México D.F.
Mme Spries-Florentine Philippe, 18 ans en 1944.
Le jour du 21 mai, j’étais partie à la messe. En sortant de la messe, je suis allée à la gare chercher un livre.
Quand je suis rentrée chez moi, Ch. De Rochefort ma mère m’a envoyée chercher de la tête pressée à Mionvaux chez le fermier Joseph Galloy. J’ai pris le tout petit chemin en dessous de chez le docteur Daune. Je vois un avion, mais je ne fais pas attention ce que c’était. Et tout d’une fois, je tombe à terre et je suis dans le noir, je ne voyais plus ce qui se passait dehors et chaque fois que je voulais me relever, je retombais et il faisait toujours tout noir. Puis je suis arrivée sur les rails du tram et il y avait les fils électriques qui étaient par terre et je me suis encore emmêlée dans les fils électriques. Quand j’arrivais quand–même à me retirer de ça, j’ai couru, couru pour arriver derrière chez Joseph Galloy. Quand je suis arrivée près de chez eux, dans leur jardin, j’ai vu que leur maison était coupée en deux.
Et les gens qui pleuraient, qui pleuraient Puis j’ai vu la maison de chez Arthur Martin, le mari d’Irène Lemailleux, le tailleur. Et quand j’ai vu tout ça, j’ai dit aie aie aie, il y a quelque chose dans le village. Il y a un bombardement surement et je me dépêchais de retourner chez ma mère.
En partant, j’ai vu toutes les maisons qui étaient le dessus en dessous. J’ai vu deux petits enfants de chez Dernivois (Marcelline Marie et Joseph Arthur Marie Henin) qui étaient couchées sur le trottoir à moitié morts.
Puis j’ai repris la route de la Renaissance. Là j’ai vu aussi les maisons qui s’écroulaient ainsi que Philomène Crebec que ses parents portaient. Et j’ai vu Marie Van Ransbeeck. Elle criait que sa maman était morte. Et je me suis dit : Mon Dieu, la mienne est peut-être morte aussi.
Enfin je suis arrivée chez moi, sur la grande route alors. Et je rentre chez moi. Il n’y avait plus de porte, plus de fenêtres non plus. La porte était tombée. Je vois ma mère qui était occupée à faire sa salade. Mais la figure en face des vitres. Et à ce moment-là, il y avait l’armoire qui était derrière elle qui chute. J’étais juste derrière elle et j’ai pu repousser l’armoire pour qu’elle ne tombe pas sur elle. Et puis j’ai pu regarder ma mère. Elle était pleine de sang partout. J’ai cherché toutes sortes de choses pour mettre autour de son cou. Elle saignait du cou, elle saignait des mains et elle saignait de la figure. Et comme j’ai pu voir, elle avait perdu un œil.
On est allées à la salle de l’union. Naturellement, il n’y avait rien, il n’y avait personne. C’est-à-dire tout le monde était là, mais ne savait rien faire. C’était prévu pour les bombardements. S’il y avait un bombardement, il y avait une infirmière et le docteur. Ils n’étaient pas là. Il n’y avait rien du tout. Et ma mère a faibli en arrivant là-bas. Madame Virginie Perot, une personne plus âgée qu’elle qui était là mais qui habitait en face de l’école. Elle lui a fait boire de l’éther Elle est revenue un peu à elle. Et puis on l’a conduite sur une porte chez Dujeux. Et là, je croyais bien qu’elle allait mourir. Je l’ai suppliée, je l’ai suppliée qu’elle me dise quelque chose, qu’elle ne m’abandonne pas. Mon père, René Philippe, venait de mourir à la guerre en France le 21 mai 1940. Elle ne parlait plus. Alors, j’ai vu passer Monsieur le curé. J’ai appelé Mr. Le curé pour qu’il lui donne l’extrême onction. Il lui a donné l’extrême onction mais le pauvre curé, il tait blessé aussi. Et un quart d’heure après, j’ai vu mon frère qui revenait du travail du chemin de fer. Son train était bloqué à l’entrée de Marloie sous le pont près des entreprises Hanin. Il était vite venu à vélo. Je l’ai appelé. Alors lui, il a pu trouver une camionnette pour conduire notre mère blessée à l’hôpital de Marche. Arrivé à l’hôpital, il n’y avait pas de lit rien du tout. On devait coucher tous les blessés à terre en attendant leur tour d’être soignés. Et ma mère a été soignée seulement au soir. J’ai pu la voir peut-être vers neuf heures dans son lit mais je ne pouvais et savais rester près d’elle. Elle est restée deux mois en clinique avec Philomène Crebec qui est décédée là-bas. Elle était aveugle.
Voilà, voilà, je ne sais plus.
Mais pour finir, ma mère est devenue aveugle. Et j’ai resté tout le temps avec elle. Mon mari a été très gentil avec elle, heureusement.
Peu après la catastrophe, je suis retournée où je me trouvais lors de l’explosion, 20 mètres plus loin, juste derrière la haie, se trouvait tout un wagon soufflé par l’explosion.
Mme. Biron- Bach Camille et Mme. Henrotin-Royer Marthe (Nelly)
Souvenirs du 21 mai 1944 à Marloie.
Ce jour, nous revenions de la messe de Waha. On allait là-bas car il y avait une bibliothèque. Et après la messe on y passait. Au retour, arrivée à hauteur de « La Reine des Prés » nous marchions insouciantes sur la route. Puis les avions à double fuselage sont arrivés et tournaient dans tous les sens. On s’est mis dans le fossé.
D’abord on a vu une grande flamme rouge avec de la fumée noire avant d’entendre le bruit. Mais Camille s’est mise au milieu de la route en criant. Je l’ai attrapée et tirée dans le fossé. Le temps de regarder et tout sautait. C’était comme un jeu de cartes. Pour nous ça ne semblait pas si loin. On le voyait plus près que la gare.
A mon avis, l’avion qui a tiré, il a dû faire un fameux hop. Tu ne te souviens pas. On avait l’impression qu’un avion qui est venu nous rafler là. Il était pris dans le tourbillon.
On était loin de penser à cette catastrophe. Quelque chose comme ça non hein.
En rentant, j’ai pris mon vélo pour aller chez Mme Dujeux, qui était couturière, pour aller voir. Elle était blessée aussi, mais c’étaient des éclats de verre.
Il y avait un essieu du train au carrefour à l’entrée de Hargimont. Là où il y a maintenant un lotissement. Il y avait plein de débris.
Le train était garé d’abord derrière l’entrée du Fond des Veaux à Marche, et puis ils sont venus le mettre ici. Il aurait fait moins de dégâts à Marche. Il était dans une tranchée et loin de la ville.
Après, les gens sont venus ramasser des bouchons. Il y avait des wagons avec des bouchons de liège. Je ne sais pas pourquoi. Il y en a qui ont fait fortune avec ça. Ils sont venus pendant des jours et des jours et des jours.
Chez moi (vers le point du jour) les fenêtres étaient descellées à cause du souffle.
Il y a eu aussi beaucoup de blessés par les morceaux de verre. Des borgnes et beaucoup de blessures dans le visage. C’était l’heure du diner. Mme Entenn, elle a eu un éclat dans le corset et elle n’a pas été beaucoup blessée du coup. Elle était passée ici plein de sang. C’étaient heureusement des blessures légères.
Et Renée Devaux m’avait montrée son bras. Heureusement qu’elle avait une forte corpulence autrement on le lui aurait coupé. Son frère a eu le nerf radial coupé. Après l’opération, il avait le bras levé dans une attelle et tendu vers l’avant. On l’embêtait souvent et on l’appelait Hitler à cause de cela.
La mère de Florentine Philippe a perdu un œil.
Témoignage de Lydie Galloy (22 ans en 1944)
J’habitais en face de l’église, dans la maison où il y a AXA maintenant. Mais à ce moment-là, j’habitais déjà à Marenne. Mes parents étaient à la maison. Ils n’ont pas été gravement blessés. Mon père avait des coupures dans le cou à cause des verres. Il avait été projeté sous la table. Notre maison était fichue. Le toit était abimé, mais pas trop fort. Tout l’intérieur avait été secoué. Les murs étaient fissurés. Bien longtemps après la catastrophe, quand on retapissait, les fissures réapparaissaient. Mais parents allaient loger chez Louviaux, ils avaient fait un passage à l’arrière et ce jusque quand ils ont pu rentrer à nouveau dans leur maison.
Mais on a mal vécu la guerre. On ne pouvait laisser de la lumière nulle part. Il fallait occulter le soir. Ma petite sœur avait été chez le boulanger Louviaux, elle ne savait pas ouvrir la porte. Alors une fois elle avait demandé à un Allemand, « Monsieur Lumière, viens un peu m’ouvrir la porte » Tellement on parlait toujours de lumière.
Une de mes sœurs aimait lire. Elle lisait avec une bougie. On ne pouvait pas éclairer. Quand ils voyaient de la lumière, ils venaient frapper à la porte et il fallait vite fermer l’éclairage.
Mon père avait mis les pommes de terre au jardin, il les avait arrachées. Les Allemands sont passés sur la route et ils ont vu que la terre avait été retournée. Il a dû rouvrir pour montrer que c’était bien pour les pommes de terre qu’il avait retourné la terre.
On n’a pas eu faim pendant la guerre. En face de chez nous, il y avait une ferme. On échangeait les marchandises. Comme nous étions nombreux, on avait beaucoup de sucre. On l’échangeait contre du pain et des œufs. Chez nous, c’était la distribution du ravitaillement dans le café. Alors il en restait toujours un peu, on trichait. On mangeait ce qu’il y avait. On mangeait les pommes de terre réchauffées au matin, mais sans beurre. On ne se plaignait pas. Parfois les pommes de terre avec du lard car mon père avait tué un cochon. Ce qui manquait le plus, c’était le café. On faisait du café avec de l’avoine. On le tournait sur le poêle. Ce n’était pas bon. On échangeait aussi du sucre avec le boulanger Louviaux.
Témoignage de Guy Perot : 11 ans en 1944. (13/05/2014)
C’était une belle journée ensoleillée. J’étais sur le seuil de la porte de ma maison. J’habitais en face du cimetière. J’appelle mon père en lui disant : « Viens voir, il y a un combat d’avions ! ». Au même moment, bouf ! Une porte qui est tombée. J’ai eu de la chance, je suis passé par un petit trou comme on dit. Le plâtrage tombait aussi. Et à mon père à qui j’avais dit : « viens voir un combat d’avions » était devant la fenêtre. Celle-ci s’est brisée. Il a reçu tous les éclats de vitre au visage et dans le cou. Des années plus tard, des petits éclats de verre remontaient encore à la surface de la peau.
Ensuite, les avions, je les ai vus virevolter par le déplacement d’air et tourbillonner dans le ciel. Je ne sais plus quel type d’avion, mais à mon avis, j’en ai vu 2 ou 3. Est-ce qu’il y en avait plus, je ne saurais le dire. Je ne saurais pas non plus dire de quel côté ils venaient. Le déplacement d’air s’est fait avant la déflagration. C’était bizarre. A ce moment, on a couru dehors et avec maman on est parti se cacher derrière un buisson.
Après nous sommes partis faire un tour pour voir un peu ce qui se passait. On est passé dans la Salle de l’Union en premier lieu. Les morts étaient entreposés à la cave. C’est là que j’ai eu un grand choc. Mon copain de classe, Maréchal André (André Arthur Jacques Gilles) qui reposait. J’étais en classe sur le même banc que lui. J’ai dit à maman : « Regarde, c’est mon copain André ». Cela m’a fait une grande émotion. Au rez-de-chaussée de la salle et dehors, c’étaient les blessés. Ce n’est pas qu’on les soignait, mais on faisait ce qui était possible. Il n’y avait pas beaucoup de médecins. Les blessés attendaient d’être évacués vers l’hôpital de Marche.
Après on est allé faire un tour au lieu-dit « Congo ». C’est l’endroit où il y eu le plus de morts. Alors là, on marchait sans savoir où on allait. Et dans une cave on entendait gémir. C’était la famille Schmit. Ils étaient beaucoup et tombés dans la cave. Ils étaient forts brulés avec la graisse à frite. Des hommes essayaient de déblayer le plus possible. J’ai regardé un peu à gauche et à droite. Ce n’était qu’un tas de ferrailles et de bois et aussi des bouchons, il y en avait beaucoup. Les jours suivants, avec ma grand-mère, on allait ramasser des bois, il y avait des bouchons partout jusque bien loin.
Guy Perot devant chez lui et les maisons provisoires près du cimetière. Maisons appelées « thermos ou tunnel »
Témoignage de Monsieur René DEVILLET :
Nous habitions chaussée de Rochefort. Au moment de passer à table, pour le repas de midi, nous avons entendu le bruit caractéristique d'avions effectuant un piqué. Ayant ouvert la porte d'entrée, j'ai vu un avion à double fuselage (un Iightning) et, en même temps. un champignon de feu, plein de matériaux. et ensuite un épais nuage noir.
Un cycliste, originaire de Jemelle, qui passait à ce moment-là, fut projeté contre moi par la puissance de la déflagration. Nous nous sommes retrouvés à terre tous les deux. Le choc avait été tellement violent que j'ai souffert d'étouffements pendant quatre jours, ce qui m'a empêché d'aider aux secours, alors que les services étaient débordés.
Mon voisin, Charles HENIN, qui était également membre de la Résistance (A.S.), fut blessé par des éclats de verre. Une entaille partant de l' arcade sourcilière gauche, en diagonale, jusqu'au cuir chevelu, avait nécessité la pose de quatre points de suture. Malgré sa blessure, et nonobstant le fait qu'il fut recherché par les allemands, il partit immédiatement se joindre aux sauveteurs et ne rentra qu'à 21 heures, épuisé par sa blessure, les efforts et l'émotion. Né le 14/10/1917, il fut abattu par la Gestapo le 28/07/1944 et mourut à Arlon, où il avait été transporté, le 30/07/1944.
Témoignage de Mr. Gilissen Marcel (12/05/2014)
Ce jour-là, je pêchais à la ligne sur la rivière L’eau d’Heure entre le moulin d’Heure et Nettinne (actuellement commune de Somme-Leuze).
J’ai entendu un bruit d’avions, une rafale de mitrailleuse et j’ai vu une immense lueur dans le ciel en direction de Marloie. Un avion m’a alors survolé. Le pilote avait pas mal de difficultés à stabiliser son appareil.
Contrairement ce que dit Monsieur Devillet dans son témoignage, cet avion n’était pas un « Lightning » car il était à simple fuselage.
Quand mes parents et moi sommes rentrés à Marche, la ville était en effervescence. Les policiers allemands et les gendarmes belges réglaient la circulation aux carrefours. Il y avait des ambulances partout. L’institut des Sœurs de Notre Dame était transformé en hôpital de fortune.
A cette époque, des trains de munitions allemands stationnaient également en gare de Marche. Le chargement et le déchargement des munitions étaient exercés par des prisonniers russes qui étaient très mal traités et mal nourris par leurs gardiens allemands. Les Marchois leur portaient de la nourriture.
Références biographiques relatives au mitraillage des gares par l’aviation alliée le 21 mai 1944.
Dans : « LA SECONDE GUERRE MONDIALE AU JOUR LE JOUR » de Cesare Salmaggi et Alfredo Pallavisini, paru aux éditions du « club des loisirs », en date du 21 mai 1944, on peut lire : « France-Allemagne : début de l’opération CHATANOOGA CHOO CHOO qui prévoit des attaques systématiques de l’aviation alliée contre les trains en Allemagne et en France ».
Dans : «LE GRAND CIRQUE » de Pierre Clostermann, paru aux éditions Flamarrion, l’auteur écrit au chapitre : « le débarquement en Normandie » : le 21 mai, une offensive générale est décidée contre les moyens de traction de chemin de fer dans tout le Nord de la France et de la Belgique : 504 Thunderbolts, 433 Spitfires, 16 Typhons et 10 Tempest participent à cette opération simultanée, 67 locomotives sont détruites, 91 gravement endommagées rien que dans la région Nord de la S.N.C.F.
Ces résultats peu remarquables sont dûs à l’inexpérience de la plupart des pilotes peu habitués à ce type spécial d’objectif.
Témoignage de Mr. Antoine Fautré. 16 ans en 1944.
Mitraillage du train à Marloie le 21 mai 1944.
Je me trouvais dans la côte de Hollogne sur le côté droit de la route. Nous étions, mon frère Christian et moi à hauteur de la salle de Grogna. A ce moment-là, c’était un marchand de meubles qui y habitait. Il y avait des arbres tout le long de la route. La vue était fort dégagée sur la plaine de Waha et de Marloie. Il y a à peine 2 ou 3 km de distance. Nous étions là, mon frère et moi, tous les dimanches parce qu’on était des fureteurs. Je savais qu’il y avait le dépôt de munitions de Mochamps et que les trains militaires s’arrêtaient en principe à Marche pour y être déchargés. C’était beaucoup plus facile pour les Allemands. Ils montaient la côte de Hollogne pour se rendre à Mochamps près de Nassogne.
Après la messe, on allait là et on portait des fruits aux prisonniers russes. Principalement des fruits. Ils étaient assis sur la ridelle arrière des camions jambes pendantes. On ne savait pas si c’étaient les mêmes d’une semaine à l’autre. On n’y faisait pas attention. Les russes, en contrepartie, nous faisaient des petites palettes comme des palettes de tennis de table. Ils sculptaient des poules articulées sur le dessus et elles étaient reliées à un fil avec un poids en bois dessous. Quand on tournait cette raquette, cela faisait comme des poules qui picoraient.
Poules picorantes comme celles fabriquées par les prisonniers russes.
Les prisonniers russes étaient dans un camp provisoire à Mochamps. On n’a jamais su y aller. C’était uniquement pour les prisonniers. Ils avaient été ramenés du front de l’Est. Ils étaient utilisés comme main-d’œuvre pour le déchargement des wagons et d’autres travaux. C’était un va et vient continue. Il y avait plein de trains qui arrivaient à Marche et ils avaient chaque fois entre 8 et 12 wagons. Ils étaient sur la voie de garage à droite de la gare. Cela prenait du début du passage à niveau jusqu’à la tranchée vers Marenne.
Le train de Marloie était continuellement sous vapeur pour venir à Marche. Nous on attendait les camions lourdement chargés et qui montaient lentement et on les suivait à pied. Et quand on avait fini la distribution des fruits, on avait une tranche ou deux de pain. Aux environs de midi, on a entendu une formidable explosion. C’était quelque chose d’inimaginable. Une vraie apocalypse. Nous étions à droite de la route et un moment donné, on a été projeté sur l’autre côté et on s’est retrouvé à gauche. Nous n’étions pas blessés, mais on était sonné quand-même. Du gros nuage rougeoyant et noir sortait un avion désemparé et très secoué par les flammes. Il avait perdu les pédales. Il partait comme un canard. Longtemps on a dit que c’était un avion à 2 queux, mais c’était un mono- ou bi-place. Il avait été soulevé par la déflagration. Il avait mitraillé de la queue du convoi vers la machine. Il a donc eu tout le souffle au cul comme on dit vulgairement.
Après l’explosion, mon frère et moi sommes partis rapidement vers Marloie. On avait nos vélos sur le côté de la route et on connaissait le chemin. On est allé directement à la gare. Mais c’était un enchevêtrement de briquaillons et toutes sortes de matériaux. Nous on est allé directement à l’hôtel Tasiaux. « Hôtel des voyageurs » ou c’est maintenant un centre de santé de la province. On les connaissait parce qu’il y avait des enfants à peu près de notre génération. C’était la première maison que nous avons aidé à secourir.
Après nous sommes allés à l’intérieur de Marloie, vers la maison de Mr. Houyoux qui était bourgmestre. On y a aidé à déblayer et secourir.
Les jours suivants, comme j’allais avoir 16 ans au mois de juillet, on nous a réquisitionnés pour déblayer et remblayer le chemin de fer. Et alors là, quand on a déblayé, qu’est-ce-qu’il y avait comme bouchons partout ! Il avait 2 wagons de bouchons dans ce train. Je n’ai jamais eu d’explication pourquoi dans un convoi de munitions il y avait des bouchons. C’était peut-être pour tromper ou en cas d’attaque cela faisait tampon.
Toutes les rues étaient impraticables à cause des projections des débris. Même à vélo c’était impossible de circuler.
Il y avait énormément de blessés visuels. Avec les verres et les autres projections. C’était pratiquement l’heure de midi et la table était posée dans la prolongation de la fenêtre. C’est comme cela qu’il y a eu beaucoup de blessés au visage, les yeux et la tête. Ce qui avait frappé à mon frère et moi, c’étaient les blessures sur le haut du corps avec de éclats de verre incrustés dans les chairs.
Témoignage de Mme Régine GUSTIN
J'avais six ans le jour de la catastrophe de Marloie et ce souvenir reste toujours aussi net dans mon esprit...
En sortant de la messe, après le catéchisme, mon père et moi descendions vers Jemeppe. Arrivés au pont
de la Wamme, nous avons ressenti la déflagration de l'explosion très violemment; nous nous sommes abrités
sous le tilleul de la maison Lefèvre afin d'éviter les débris qui étaient projetés jusque-là.
Rentrés à la maison, l'atmosphère était lourde et l'inquiétude était grande. Quelques heures plus tard, mon père
est monté à Marloie en vélo et a constaté le désastre; quelques sinistrés arrivaient déjà au village....
Témoignage de Madame Yvette MARION-LACASSE
habitant actuellement Durbuy, nous a fait parvenir un poème récité dans les écoles du village dans la période qui suivit la catastrophe. A l'époque Madame Marion-Lacasse habitait à la ferme Delhaye, sa grand-mère fut tuée. L'institutrice de l'époque était Mademoiselle GUSTlN.
Ce poème a été reconstitué de mémoire, il manque malheureusement quelques vers.
MARLOIE
Vingt et un mai, c'est dimanche, l'horloge marque midi De l'oiseau sur la branche j'écoute le gazouillis
Le calme des champs plane sur la Famenne en fleurs Un bruit d'aéroplane plisse mon front rêveur
Tout à coup se produit un craquement horrible
Et, instinctivement, je cherche à m'abriter
Un train de munitions vient de servir de cible
Aux avions anglais qui l'ont incendié
Une seule explosion a pénétré partout
Ne laissant derrière elle que pleurs et que misère Culbutant les maisons et démolissant tout
VERS MANQUANTS
Plus de trente tués, de blessés en grand nombre Un village détruit, un amas de décombres
Tel fut le noir tableau qui s'offrit à la vue
Des foules de curieux aussitôt accourues
Parmi les grands blessés dont la perte est certaine Parmi les rescapés fouillant dans les débris
Qui ce matin composait leur logis
Pas un n'a proféré des paroles de haine.
Témoignage de Monsieur Jules DELVAUX de Barvaux-sur-Ourthe:
Le 21 mai 1944, j'avais 17 ans et j'habitais à Samrée (23 km à vol d'oiseau et 550 mètres d'altitude). Je me trouvais dans l'église au moment de la catastrophe. Ce bâtiment, pourtant solidement construit, a tremblé. Je ne me souviens plus si j'ai entendu un bruit d'explosion.
Des personnes qui habitaient à Tillet et Chenogne le 21 mai 1944 nous ont dit avoir entendu le bruit (assourdi) de l'explosion. Tillet se trouve à 25 km à vol d'oiseau de Marloie et à 470 mètres d'altitude, Chenogne à 30 km et 475 mètres d'altitude.
Témoignage de Monsieur Edmond CORNET à Marloie :
Le 21 mai 1944 j'avais 10 ans et j’habitais, avec mes parents, à Verlaine-sur-Ourthe (Commune de Tohogne à l'époque). Verlaine se trouve à environ 26 km de Marloie à vol d'oiseau, et se situe à une altitude avoisinant les 200 mètres. Je me souviens très bien d'avoir entendu un bruit, lointain mais très sourd, et d'avoir ressenti un léger tremblement. Ce n'est que par après que nous avons eu connaissance de la catastrophe de Marloie.
Mon père, occupé aux ateliers de la S.N.C.B. à Jemelle, fut dépêché à Marloie, avec d'autres collègues, pour collaborer à la remise en état de la gare. Il en a rapporté de glandes quantités de bouchons. Il pensait qu' iIs étaient placés dans des sacs, ou filets, pour caler les caisses de munitions.
Témoignage de Madame Robert HOUYOUX de Marloie :
Le 21 mai 1944 il faisait un soleil radieux. Dans le courant de la matinée des chasseurs alliés ont survolé la gare à basse altitude. Vers midi, l'un d'eux se détache du groupe et pique sur la gare, lâche une rafale de mitrailleuse, et c'est l'explosion. " S’ensuit une effroyable détonation. Un train de munitions stationné; en gare de Marloie explose, c'est la catastrophe. On déplore une cinquantaine de morts et des centaines de blessés. Un poste de secours est installé dans le sous-sol de l'Union. Le corps médical des environs est alerté. Les médecins, accompagnés de donneurs de sang, de la Croix-Rouge et de nombreux bénévoles, donnent les premiers soins aux nombreux blessés. L'Abbé est présent aussi. " Réconforte les blessés et donne les derniers sacrements. Les plus grands blessés sont transportés à l’Hôpital d'Aye, tandis que d'autres quittent Marloie pour trouver refuge dans leurs familles respectives.
Et le temps passe. A chaque village s'attache un souvenir. Les habitants de Marloie reviennent petit à petit, les maisons se reconstruisent, nous donnant ce joli village que nous aimons.
C'est le cinquantième anniversaire de ces tristes événements que nous commémorons aujourd'hui: les oublier. .. Jamais !!!
Témoignage de Monsieur Robert GALLOY à Bruxelles:
50 ans déjà: si certains souvenirs s'estompent avec le temps. d'autres restent de façon indélébile dans la mémoire.
Ce 21 mai 1944 était un dimanche qui s'annonçait être un beau jour de printemps. Mais à 11h50 cette journée se transforma, en deux secondes, en une catastrophe.
A peine avait-on entendu le vrombissement des avions qu'un formidable "BOUM" a retenti. Qu'arrive-t-il ? Un bombardement? On ne rapprendra que plus tard, il s'agissait d'un train de poudre plus forte que la dynamite qui avait explosé parce qu'il avait été mitraillé par un avion. A l'intérieur de la maison, située au bas du village, sur la grand' route, des débris de plâtras, de vitres, étaient tombés. Les fenêtres et les portes n'existaient plus. Le toit avait été soulevé, il est retombé sur la maison mais il n'était plus à sa place. Après avoir constaté les blessures: mon père tenait une de ses mains montrant une plaie saignante, il portait aussi une balafre au front; ma mère n'avait reçu que des éclats de verre dans le dos, sans grande conséquence; ma sœur aînée était blessée à un œil, elle avait un bras vraiment charcuté.
Je me suis dirigé directement vers le milieu du village pour faire appel à un médecin, chemin faisant, j'ai pu constater que toutes les maisons avaient subi des dégâts. Partout des gens pleuraient, saignaient, étaient comme perdus. On me dit bientôt que les secours avaient été appelés. J’étais allé alors chez ma fiancée pour savoir ce qu'il en était chez eux. Vers le haut du village les dégâts semblaient moins importants.
Après quelque temps, des secours étant parvenus des villes et des villages voisins, on rassembla les blessés les plus gravement atteints, ils furent conduits directement à la clinique, les autres étaient transportés, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens de transport vers des écoles de Marche. Avec ma future épouse, nous nous dirigeâmes vers le Congo Où habitaient mes grands-parents maternels. Les six maisons ne formaient plus qu'un tas de poutres, de briques, de plâtre. Pourtant on percevait encore des cris, plusieurs personnes en sont d'ailleurs sorties vivantes.J'ai bien essayé de vouloir déblayer les décombres, mais sans aucun outil, il n'y avait rien à faire, tellement tous les éléments étaient imbriqués les uns dans les autres.
Comme j'étais moi-même blessé, sans gravité, je me suis dirigé vers le lieu de rassemblement, l'ai été conduit dans une école à Marche, où un médecin m'a appliqué trois agrafes au-dessus de la tête et deux autres à la joue, le tout recouvert d'un bandage. C'était vraiment la désolation dans cette école, tout le monde voulait le médecin. En face de moi se trouvait une dame qui avait la moitié de la gorge coupée. Le docteur LEDOUX (le père de l'actuel), l'empoigna la première, il lui a recousu cette plaie sans que la personne fut endormie. Elle est quand même décédée dans les jours suivants.
Un autre spectacle nous fut offert sur le chemin du Congo. Devant la maison Dernivois, trois corps sans vie étaient allongés sur des matelas, un peu plus loin, une gamine d'une dizaine d'années avait aussi la gorge ouverte: elle demandait un prêtre, nous lui avons conseillé de réciter son acte de contrition. Elle décédait peu de temps après.
Revenu de Marche, où j'avais été soigné, il fallait s'enquérir de ce qu'étaient devenus les autres membres de la famille. On m'apprit que ma mère était partie chez une nièce à Chameux, avec une de mes sœurs. Mon père était dans récole des sœurs à Marche, et ma sœur aînée à la clinique.
Avec deux voisins, nous décidâmes de passer la nuit dans la maison. au rez-de-chaussée, sur des matelas. C'était une mesure de sécurité car on nous avait informés que des personnes pillaient les maisons vides.
Les personnes tuées étaient transportées et alignées dans l'école des garçons. Le mercredi suivant eurent lieu les funérailles de ces victimes. Les cercueils furent transportés au cimetière en plusieurs courses, et l'office fut célébré en plein air car il n'y avait plus de toit sur l'église remplie de débris. On dénombra ce mercredi 44 cercueils, mais plusieurs victimes décédèrent encore par la suite. Le nombre total dépasse la cinquantaine. Mon père était parmi celles-ci car il avait attrapé le tétanos et, bien qu'on lui ait coupé la main, il n'en réchappa pas.
Témoignage de Monsieur Ernest HISETTE
Qui a passé toute sa vie active en qualité d'instituteur à Charneux. Il s’agit d'une lettre qu’i1 adressait le 24 mai 1944 à ses cousins de Bruxelles. La lettre nous a été confiée par son fils domicilié à Limelette, ce dont nous le remercions.
Il convient de lire entre les lignes, en tenant compte de la prudence de rigueur à l'époque. Ainsi il semble y avoir plus d'émotion dans la perte du foin brûlé à la ferme Toussaint que dans la mort des quatre soldats allemands ...
n ne porte pas de jugement non plus à propos des avions qui ont attaqué le train à Marloie, il y aurait plutôt un sous-entendu admiratif pour les anglo-américains qui atteignent leurs cibles à tout coup.
Charneux. le 24 mai 1944
Bien chers Parrain. Marraine. Cousins et Cousines.
Nous avons lu avec intérêt et émotion la longue relation des jours pénibles que vous passez à Bruxelles. Cet état d’alerte continuelle doit joliment exciter les nerfs. Et en dehors de cela, il faut veiller au ravitaillement. Cette situation ne peut durer longtemps ... et l'espoir croît de jour en jour. Nous sommes relativement tranquilles à certaines heures. Ici. on ne sonne pas d’alerte, les avions passent et repassent journellement de leurs longues randonnées à l'est. Depuis quelques jours, les avions se rapprochent du sol et se livrent à des destructions dans le voisinage. On ne compte plus les attaques contre les locomotives. Mais il y a mieux ... ou pis, si vous voulez. Depuis une quinzaine, des trains de munitions arrivent en gare de Marche et de Marloie. Un immense dépôt est établi entre Champlon-Ardennes et Nassogne. L'accès de la route Champlon-Nassogne est interdit. Le transport se faisait par camions circulant sur la grand'route. Or, dimanche, des avions descendirent au niveau des arbres et mitraillèrent les camions dans le voisinage de la ferme Toussaint (dernière maison de Charneux en allant vers Marche). Il était un peu plus tard que midi; aussitôt on a vu un camion flamber et aussi malheureusement les dépendances de la ferme en question, tandis qu'un autre camion déviait et allait verser dans un pré tuant les conducteurs et un "camarade flamand". Le conducteur du camion doit avoir été carbonisé.
Pendant que s'accomplissait ce "petit incident". (Nous finissions de dîner) une explosion formidable et soudaine se produisit. Une immense gerbe de flammes s'élevait jusqu'aux nuages, dans la direction de Marloie; puis une fumée épaisse suivie d'une autre explosion tout aussi violente que la première. Les carreaux des fenêtres de l’école volèrent en éclat et aussi quelques-uns au logement. Persuadé que quelque chose de terrible s'était passé à Marloie, je suis parti avec quelques voisins dans la direction de Marloie.
Quel tableau macabre offrait ce petit village! On aurait dit que le village avait été secoué par un tremblement de terre: tous les carreaux cassés, les 9/10 des habitations défoncées; portes, fenêtres et toits arrachés. Tout cela recouvrant les habitants qui, pour la plupart, étaient occupés à dîner. On ne voyait que des blessés plus ou moins grièvement: presque tous avaient reçu des éclats de vitres au visage, aux jambes, sur tout le corps. La route était jonchée de débris de verre, de tuiles, d'ardoises, de planches, bois et recouverte d'une épaisse poussière noire.
Je ne l'ai pas encore dit: il paraît qu'un avion a fait exploser à proximité de la gare une rame de 36 wagons chargés de dynamite ou d'un explosif plus violent encore. Sous les murs écroulés et les planchers affaissés se trouvaient malheureusement ensevelies de nombreuses victimes: jusque tard dans la soirée, on a travaillé à les dégager. Des docteurs, des infirmières, les corps de pompiers étaient venus de partout: Jemelle, Ciney, Marche, etc ... Il a fallu panser plus de 500 blessés, dont plus de 100 gravement atteints. Jusqu'à présent on compte 39 morts. Ce matin nos enfants sont allés à l'enterrement de 35 d'entre eux. Comme l'église elle-aussi s'est effondrée, la messe a été célébrée en plein air, au milieu du cimetière. Monseigneur l’Evêque y assistait. Parmi les blessés graves on compte 16 borgnes ou aveugles. D'autres ont subi de graves opérations et leur vie est encore en danger. Vous ne vous imaginez pas quel tableau macabre offrait ce petit village et comme les quais et les voies ont été labourés. Les wagons avaient disparu, les rails tordus ou projetés au loin. En même temps que ce train, a sauté une rame de bois. Ceux-ci recouvraient une superficie de plusieurs hectares. Comme l'explosion s'est produite du côté de Jemelle, les murs de la gare ont été épargnés. Lundi et mardi, nouvelle visite des avions à Marloie; résultat: des machines détruites. Chaque jour, les avions nous rendent visite. Ils semblent s'intéresser davantage à cette région: Bastogne, Ciney, Haversin, Gênes ont été visités.
La circulation devient de plus en plus pénible: les trains passent ou ne passent pas' Et le ravitaillement en souffre. La farine ne vient pas régulièrement, nous n'avons pas encore pu utiliser tous nos timbres du mois dernier. On pense que cela ira mieux : on va faire 3 distributions par mois au lieu d'une. Le désastre de Marloie a provoqué un afflux de réfugiés vers toutes les localités voisines, il en arrive encore tous les jours. Comme on conseille fortement de quitter les villes, n'auriez-vous pas envie de vous sauver en Ardennes ? On tâcherait de se serrer un peu. Paula et Claire sont toujours ici et ne songent plus à rentrer à Ciney maintenant. De même Jean ne va plus à l'Institut. Et moi-même je chôme aussi en attendant qu'on remette des carreaux à mes fenêtres. Paul est toujours ici et se tient coi!
Voici qu'on conseille de creuser un abri en prévision de l'avenir. L'expérience de Marloie prouve que les caves ne sont pas un refuge exempt de risques. Je pense que nous ne reverrons plus une catastrophe comme celle de Marloie; à plusieurs kilomètres à la ronde, il y a eu des dégâts.
Nous pensons que Parrain et Marraine supportent courageusement l'épreuve qui, espérons-le, finira bientôt. L'aspiration vers la paix est générale et ceux qui se sont enrichis, ont plus de soucis encore que nous.
Je m'excuse de n'avoir pas répondu plus tôt à la lettre de Marcelle, mais il faut compter avec les lenteurs de la poste, sa lettre a mis plus de 8 jours pour nous parvenir.
Nous souhaitons que la Providence vous garde et vous épargne de nouveaux ennuis et attendons avec confiance l’heure prochaine où nous nous reverrons tous en parfaite santé.
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Témoignage anonyme:
Habitant Ch. De Rochefort à Marche, près du pont du chemin de fer. 13 ans en 44.
Dans notre maison, tous les carreaux ont été brisés par l’explosion. Personne n’était blessé. Je suis sorti dans la rue et j’ai remarqué le nuage de fumée noire au-dessus de Marloie. J’ai couru jusque Marloie pour voir. Arrivé au niveau de chez Mouvet, voyant tous les débris et les gens qui étaient blessés j’ai pris peur je suis revenu à Marche.
Mon père se trouvait à St-Hubert. Il apportait des légumes dans la famille. Il avait aussi entendu l’explosion.
Dans l’après-midi les voitures avec les blessés passaient devant la maison. Certains étaient transportés dans des remorques. Beaucoup de voitures Marchoises, qui étaient cachées pour éviter la confiscation, sont ressorties pour secourir les blessés. Il y avait un bel élan de solidarité.
Pendant trois semaines, j’étais dans la salle de gym de l’institut avec les autres scouts pour apporter notre aide dans le confort des blessés.
Les hommes de Marche étaient convoqués pour garder les ponts par groupe de 4 personnes comme bouclier pendant les nuits. Ceci afin d’éviter que la résistance les fit sauter. Les Allemands venaient vérifier leur présence. Un matin, Mr. Gaspard revenait par les voies vers Marche. Les Allemands l’ont abattu pensant qu’il s’agissait d’un résistant.
Le docteur Renaud (Orthographe ?)De Marloie a sauvé beaucoup de gens.
Le train était composé en alternance par un wagon de TNT et un wagon de bouchons (anonyme)
Témoignage anonyme:
Ce dimanche 21 mai 1944, il faisait beau, le soleil brillait de tous ses rayons, il était environ midi 1/4 lorsque je vis un avion arriver en rase-mottes dans un fracas étourdissant.
Je m'entends encore dire à maman: "Qu'est-ce qu'il fait celui-là?, Vite viens voir...". J'ai voulu sortir par l'arrière de la maison, je n'en ai pas eu le temps. Je me suis sentie soulevée et ensuite plaquée violemment au sol, tandis que tout autour de moi les portes, fenêtres, meubles, s'arrachaient et s'envolaient sous la force d'une véritable tornade. Je me rappelle encore très nettement que, voyant tout cela de ma position peu enviable, je me suis dit: "C’est cela un bombardement'''.
Mais maman n'eut pas, si je puis dire, autant de chance que moi. Au moment où elle voulait se sauver par l'avant de la maison, la cage d'escalier s'est volatilisée sous l'effet de la déflagration. Maman fut projetée dans la cave et grièvement blessée par les débris de planches, briques, plâtras, etc. ... Résultat: quatre plaies profondes à la figure, fracture ouverte, clavicule cassée, pied perforé par un morceau de bois, etc....
Après avoir repris mes esprits et constaté que je n'avais rien de cassé, je parvins à localiser d'où venait la voix de maman. Heureusement, les secours devaient arriver très vite. C'est un ami d'Hargimont qui la dégagea et la remonta au rez-de-chaussée. Décrire ce que je vis du village de Marloie à ce moment est impossible: un véritable chaos: toutes les maisons étaient soufflées comme des châteaux de cartes, des morceaux de wagons avaient été propulsés dans toutes les directions et notamment sur le presbytère, des morceaux de rails, des piquets de toutes sortes jonchaient les chemins, les jardins, les prés. Je vis un parent que je reconnus à peine à cause du sang qui ruisselait sur son visage. Il marchait quelques pas, tombait puis se relevait, refaisait quelques pas et retombait. Comme chacun, il cherchait du secours. Chez lui, il y avait quatre tués et son père était grièvement blessé. Dans toutes les maisons sinistrées se trouvaient des cas semblables: blessés, mourants: des cas plus poignants les uns que les autres.
A chaque endroit du village s'attache le souvenir de tel ou tel malheur, mais sur toutes ces souffrances, toutes ces misères, toutes ces agonies, ce qui frappait les rescapés et les sauveteurs. C’était le silence de mort qui régnait partout. Tout le reste du jour, les médecins arrivés d'un peu partout, Soignèrent le mieux possible tous les rescapés.
Maman reçut les premiers soins vers 20 heures' Jusqu'à la fin de ses jours, comme les autres blessés d'ailleurs, elle gardera les séquelles de cette catastrophe.
Les années passent, mais je continue à croire que le 21 mai 1944 fut vraiment pour Marloie le jour le plus long!!
Témoignage anonyme (11,5 ans en 44)
J’habitais à Waha. On a entendu un grand boum et puis il y avait un gros nuage. L’avion était pris dans un gros tourbillon d’air. Les avions arrivaient de par les Montenées.
Le train se trouvait en face de l’ancien terrain de foot.
Il y avait un long sillon profond de plusieurs mètres à la place du train.
Des blessés furent amenés à la salle de l’union.
Témoignage anonyme
Les bouchons récupérés furent vendus à Marche.
Témoignage anonyme
J’ai entendu l’explosion à Nassogne. C’était le jour de la fête de Saint-Monon .
Témoignage anonyme (15 ans en 1944)
A Marche, la Wehrmacht a contrôlé nos cartes d’identité l’après-midi de l’explosion. Ils en ont pris note et je devais me rendre pour le lendemain matin à Marloie pour aider au déblaiement de la gare. Je devais transborder des marchandises dans un autre wagon. Je n’avais pas envie de faire cette corvée. J’avais rempli un sac avec des bouchons de liège, marchandise rare à l’époque, et je me suis rendu à Hotton à vélo pour les revendre à la brasserie Lobet .
Les blessés ont été amenés à l’institut des sœurs à Marche.
Quelques jours plus tard, un avion a mitraillé à nouveau la gare de Marloie. Un conducteur de train, Lucien Peret, a été touché par une balle dans le bras. On a dû le lui amputer.